Saint Jean-Paul II : l’administration d’eau et de nourriture, même à travers des voies artificielles, représente toujours un moyen naturel de maintien de la vie
Extrait d’un discours de saint Jean-Paul II, prononcé en 2004, au Congrès organisé avec l’Académie pontificale pour la Vie et la Fédération internationale des Associations des médecins catholiques :
[…] Les médecins et les agents de la santé, la société et l’Eglise ont envers ces personnes des devoirs moraux auxquels ils ne peuvent se soustraire sans manquer aux exigences tant de la déontologie professionnelle que de la solidarité humaine et chrétienne.
Le malade dans un état végétatif, dans l’attente d’un rétablissement ou de sa fin naturelle, a donc droit à une assistance médicale de base (alimentation, hydratation, hygiène, réchauffement, etc.) et à la prévention des complications liées à l’alitement.
Il a également le droit à une intervention réhabilitative précise et au contrôle des
signes cliniques d’une éventuelle reprise.
En particulier, je voudrais souligner que l’administration d’eau et de nourriture, même à travers des voies artificielles, représente toujours un moyen naturel de maintien de la vie, etnon pas un acte médical. Son utilisation devra donc être considérée, en règle générale, comme ordinaire et proportionnée, et, en tant que telle, moralement obligatoire, dans la mesure où elle atteint sa finalité propre, et jusqu’à ce qu’elle le démontre, ce qui, en l’espèce, consiste à procurer une nourriture au patient et à alléger ses souffrances.
L’obligation de ne pas faire manquer “les soins normaux dus au malade dans des cas semblables” (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Iura et bona, p. IV) comprend en effet également le recours à l’alimentation et à l’hydratation (cf. Conseil pontifical “Cor Unum”,
Dans le cadre, 2.4.; Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Charte des Agents de la Santé n. 120). L’évaluation des probabilités, fondée sur les maigres espérances de reprise lorsque l’état végétatif se prolonge au-delà d’un an, ne peut justifieréthiquement l’abandon ou l’interruption des soins de base au patient, y comprisl’alimentation et l’hydratation. La mort due à la faim ou à la soif est, en effet, l’unique résultat possible à la suite de leur suspension. Dans ce sens, elle finit par prendre la forme, si elle est effectuée de façon consciente et délibérée, d’une véritable euthanasie par
omission. […]
Il ne suffit pas, toutefois, de réaffirmer le principe général selon lequel la valeur de la vie d’un homme ne peut être soumise à un jugement de qualité exprimé par d’autres hommes; il est nécessaire de promouvoir des actions positives pour combattre les pressions envue de la suppression de l’hydratation et de l’alimentation, comme moyen de mettrefin à la vie de ces patients.
Il faut avant tout soutenir les familles, dont l’un des membres est frappé par ce terrible état clinique. Elles ne peuvent être abandonnées à leur lourd fardeau humain, psychologique et économique. Bien que l’assistance à ces patients ne soit pas en général onéreuse, la société doit allouer des ressources suffisantes au soin de ce type de situation, à travers la mise en place d’initiatives concrètes opportunes, comme, par exemple, la création d’un réseau capillaire d’unité de réveil, avec des programmes spécifiques d’assistance et de réhabilitation; le soutien économique et l’assistance à domicile pour les familles, lorsque le patient est transporté à son domicile au terme des programmes de réhabilitation intensive; la création de structures d’accueil dans les cas où il n’y a pas de famille en mesure de faire face au problème ou pour offrir des périodes de “pause” pour venir en aide aux familles qui courent le risque d’un épuisement psychologique et moral.
L’assistance appropriée à ces patients et à leur famille devrait, en outre, prévoir la présence et le témoignage du médecin et de l’équipe d’assistance, auxquels il est demandé de faire comprendre aux proches qu’ils sont leurs alliés et qu’ils luttent à leurs côtés; la participation du volontariat représente également un soutien fondamental pour faire sortir la famille de l’isolement et l’aider à se sentir une composante précieuse et non pas abandonnée du tissu social.
En outre, dans ces situations, le conseil spirituel et l’aide pastorale revêtent une importance particulière pour aider à retrouver la signification la plus profonde d’une situation apparemment désespérée. […]
“La PMA pour tous est-elle inéluctable ?“[1]
Intervenante : Mme Aude Mirkovic, maître de conférences en Droit privé à l'Université d'Evry
Nous sommes actuellement dans le cadre des débats de bioéthique. Notons que chaque citoyen est invité à s’exprimer en se rendant sur les sites dédiés, sachant que ça vaut le coup, rien n’est écrit d’avance !
Qu’est-ce que la PMA (que certains appellent aussi AMP) ?
C’est l’ensemble des techniques qui visent à la conception d’un enfant en-dehors de la façon naturelle. Il peut s’agir d’une insémination artificielle avec les spermatozoïdes du conjoint ou d’un autre homme, donneur de gamètes, ou d’une FIV par la conception d’un embryon in vitro et réimplanté.
Il peut y avoir deux raisons principales d’avoir recours à la FIV :
- Éliminer les embryons porteurs d’une maladie génétique grave,
- Une incapacité pathologique à procréer.
Selon l’article L.152-2 du code de la santé publique, toutes les techniques de PMA sont réservées actuellement à des couples : « un homme et une femme vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans … » Il précise sans ambiguïté qu’il s’agit de « remédier à l'infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué. Elle peut aussi avoir pour objet d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité ».
Les demandes sociétales d’accès à la PMA reposent sur la possibilité d’utilisation de ces techniques à d’autres fins que celle du traitement de l’infertilité liée à une pathologie.
En matière de PMA, plusieurs demandes réclament des réponses : deux sont particulièrement en phase avec l’actualité :
- l’accès aux techniques de PMA pour toutes les femmes (célibataires et en couples de même sexe) sans problèmes de stérilité,
- le recours à la préservation de la fertilité par vitrification des ovocytes à -196 °C dans l’azote liquide ou par cryoconservation.
Envisageons la PMA du côté de l’enfant !
Il s’agit de viser à la conception d’enfants sans père. Nous connaissons les difficultés et les souffrances de ces enfants qui, par les malheurs de la vie, se trouvent dans cette situation douloureuse. Ce serait créer une situation bien différente de celle de l’adoption, qui est une institution au service des enfants privés de leurs parents d’origine. L’adoption essaie de réparer ce préjudice subit.
On cherche à diminuer les impacts négatifs de la PMA en écartant le père biologique, donneur de gamètes, par la loi sur l’anonymat du don. Cependant, les avancées de la recherche scientifique ont permis dernièrement, à des enfants nés de PMA, de rechercher et de trouver leur père biologique, c’est-à-dire leur origine génétique.
La PMA méconnaît les droits de l’enfant, précisément, le droit de l’enfant à connaître ses origines.
La généralisation de la PMA provoquerait un basculement de la société :
- par des coûts aggravés pour la sécurité sociale,
- par une aggravation de la pénurie actuelle de gamètes, qui pourrait inciter à rémunérer les donneurs pour y pallier.
- par une augmentation du risque de consanguinité entre enfants nés de PMA, même si, actuellement, ces risques sont encore assez faibles.
- par la levée du critère thérapeutique pour initier des “PMA de convenance“.
- par le choix qui pourrait être fait par des couples H/F fertiles, d’effectuer un tri embryonnaire pour décider de tel ou tel caractère de l’enfant désiré, ou le choix du sexe ; notion de “l’enfant parfait“.
De plus, il faut bien comprendre que la PMA est un marché commercial extrêmement lucratif ; on pratique assez facilement des “PMA compassionnelles“.
Aude Mirkovic a conclu cette très intéressante conférence par cette question : quel monde voulons-nous ? Faut-il que notre société organise délibérément la naissance d’enfants sans père ?
[1] Conférence organisée par les AFC du Bas-Dauphiné le mercredi 28 février 2018.
A lire :
Carole Pastorel, jeune avocate, souhaite porter plainte contre des sociétés américaines qui démarchent en France les clients potentiels en vue de réaliser des gestations pour autrui aux États-Unis. Elle sollicite l'aide de Jane Fontenoy, maître de conférences en droit privé, rencontrée à un colloque. Les deux deviennent rapidement amies et affrontent ensemble l'enquête sur les activités des sociétés américaines, les méandres de la procédure et la réticence du parquet à poursuivre des faits pourtant avérés.Elles découvrent encore l'hostilité de leurs mondes professionnels et une notoriété soudaine qui les propulse sur le devant de la scène où elles doivent affronter les débats d'idées dans des contextes souvent hostiles.Elles puisent dans leur amitié et la certitude d'agir pour un enjeu qui les dépasse l'humour et la détermination nécessaires pour aller jusqu'au bout. Un roman sympathique, des personnages attachants, une intrigue bien ficelée : un livre qui séduira un large public désireux de se divertir sans perdre son temps ni sa bonne humeur. L'auteur :Aude Mirkovic est Maître de conférences en droit privé, spécialiste de Droit de la Famille.Régulièrement auditionnée par les commissions parlementaires sur la Famille, elle est l'auteur de Mariage des personnes de même sexe et PMA-GPA : quel respect pour les droits de l'enfant ? (Téqui, 2016) vendus l'un et l'autre à plus de 3 000 exemplaires.
Révision des lois de Bioéthique
Interview de Mme Dominique Cadi (Membre du CA de la Confédération AFC) par RCF Nièvre le 18 janvier 2018
Révision des lois de bioéthique : comment ça marche ?
La bioéthique vise à définir les limites de l’intervention de la médecine sur le corps humain, afin de veiller au respect de la dignité de la personne humaine et d’éviter toute forme d’exploitation dérivée de la science.
En France, les principales lois de bioéthique datent de 1994, 2004 et 2011. Trois années importantes pour la réglementation de la procréation médicalement assistée, ou PMA, du diagnostic prénatal, du don d’ovocytes, du transfert d’embryon… En vue d’adapter la législation à l’évolution de la science, du droit et de la société.
Pour obtenir un consensus le plus complet possible, un large échantillon d’intervenants est consulté à chaque projet de loi : des organismes scientifiques, des sociologues, des juristes, des médecins et des citoyens.
Ce rôle de réflexion éthique incombe en France, au Comité consultatif national d’éthique (CCNE), créé en 1983 par François Mitterrand. À l’échelle internationale, il existe aussi un Comité rattaché à l’UNESCO.
Parmi les sujets suivis par ces organismes, des demandes fortes sont apparues concernant la procréation médicalement assistée (PMA), le diagnostic préimplantatoire ou prénatal (DPI ou DPN) ou encore la recherche sur l’embryon, les demandes de gestation pour autrui, … ceci, de la part de couples hétérosexuels, mais aussi de couples de femmes, d’hommes et d’hommes ou de femmes seuls.
La loi de 2011 indique que « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux (…) organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), après consultation de différentes commissions (des commissions parlementaires et de l’OPECST (l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). En l’absence de projet de réforme, le comité est tenu d’organiser des états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans. »
La loi de 2011 doit donc être réexaminée. Le rendez-vous est fixé au 18 janvier 2018. Elle soulève d’importantes questions éthiques, sociales et juridiques que je vous propose d’explorer un peu.
Donc, des débats publics, peut-être une consultation publique via internet puis remise d’un rapport au gouvernement, projet de loi “à l’automne“ probablement, et nouveau texte législatif début 2019
Les sujets qui seront vraisemblablement abordés dans les consultations et débats en préparation de la révision de la loi de bioéthique :
Ils n’ont pas tous été arrêtés et annoncés. Probablement :
- La PMA et éventuellement, la GPA
- Le diagnostic prénatal et préimplantatoire ou DPN et DPI associée à la recherche sur l’embryon
- Les évolutions technologiques pouvant conduire à des modifications du génome autour de l’outil CRSPER CAS 9 ou de la FIV à trois parents et l’intelligence artificielle.
- L’euthanasie bien que le gouvernement reste très prudent à ce propos, mais le lobby pro-euthanasie souhaite que cette question soit intégrée à la prochaine révision de la loi de bioéthique.
- Le don d’organes
Aujourd’hui, je vous propose de nous arrêter un peu sur les questions principales posées par la PMA, et qui doivent susciter notre réflexion.
L’assistance médicale à la procréation (AMP) recouvre un ensemble de techniques, conçues par le corps médical, puis organisées par le législateur, pour répondre à des infertilités qui relèvent des dysfonctionnements de l’organisme. Le droit français de la bioéthique a donc opéré un certain nombre de choix. Toutes les techniques d’AMP ont été réservées à des couples, « un homme et une femme vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans … » selon l’article L.152-2 du code de la santé publique qui précisait sans ambiguïté qu’il s’agissait de « remédier à l'infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué. Elle peut aussi avoir pour objet d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité ».
Les demandes sociétales d’accès à l’AMP reposent sur la possibilité d’utilisation de ces techniques à d’autres fins que celle du traitement de l’infertilité liée à une pathologie.
Outre ce choix de réserver l’AMP à des situations d’infertilité pathologique, le législateur a posé deux principes fondamentaux concernant les dons de gamètes : la gratuité et l’anonymat du don
En matière de PMA, plusieurs demandes réclament des réponses : deux sont particulièrement en phase avec l’actualité :
- l’accès aux techniques de PMA pour toutes les femmes (célibataires et en couples de même sexe)
- le recours à la préservation de la fertilité.
Si l’avis positif du Comité consultatif national d’éthique en faveur de l’insémination artificielle (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules constitue un signal encourageant l’évolution de la loi, son avis défavorable sur la conservation des ovocytes est quant à lui sujet à réflexion.
Qu’est-ce que la préservation de la fertilité ? L’enjeu est ici d’autoriser les femmes à conserver leurs ovocytes lorsqu’elles sont encore suffisamment jeunes pour qu’ils soient de bonne qualité, en vue de les utiliser plus tard quand elles décideront d’être enceintes. Cet acte médical, nécessitant une stimulation ovarienne puis une ponction et une vitrification des ovocytes à -196 °C dans l’azote liquide ou une cryoconservation, permet de retarder son horloge biologique en mettant de côté ses propres gamètes.
Le recours à la vitrification des ovocytes est très limité en France. Actuellement, il ne peut intervenir que dans des situations bien précises : en cas de maladie ou de traitement potentiellement dangereux pour la réserve ovarienne, ou en cas de don d’ovocytes à une autre femme. À une époque où les femmes mènent des études longues, entrent tard dans la vie active et souhaitent faire carrière avant de fonder une famille, nombreuses sont celles qui désireraient avoir accès à ce procédé permettant de se protéger contre l’infertilité et de projeter sereinement une grossesse à 40 ans.
Quelles difficultés, quels choix à faire apparaissent ? ( le CCNE parle de points de butée)
Cela permet de renforcer la demande d’autonomie qui s’exprime, pour un couple ou pour un individu, par le souhait de « faire un enfant » quand il l’estime optimal.
C’est aussi une revendication d’égalité dans l’accès au don de gamètes, justifiée par la représentation que chacun a de soi comme sujet libre et disposant de son propre corps.
Mais, exercer cette libre disposition de soi requiert d’impliquer les autres : corps médical, tiers donneur, enfants, société.
Ne pas oublier ni négliger de penser à la souffrance des couples infertiles en désir d’enfants
àUn don de gamètes ne répond pas à un besoin vital au sens strict – ce qui peut laisser les donneurs potentiels indifférents ;
à Les gamètes restent plus compliqués à prélever que le sang ; pour certains, les gamètes, porteurs du patrimoine génétique, ne sont pas l’équivalent d’autres éléments du corps humain.
à Du fait de l’insuffisance de l’offre, le risque existe – en cas d’élargissement des indications de l’AMP - de prolonger, pour tous, les délais d’attente, et donc d’augmenter l’âge auquel les femmes pourraient accéder à l’IAD et de diminuer les chances de succès de cette procédure.
Faudrait-il envisager qu’une priorité soit donnée aux couples composés d’un homme et d’une femme dont l’infécondité serait de nature pathologique. ? D’un point de vue juridique, cette solution serait douteuse en cas de légalisation des situations entre infécondités pathologiques et sociétales. D’un point de vue politique, cette priorisation serait aussi difficilement justifiable.
à Une fois le principe de la gratuité rompu sur les gamètes, on voit mal ce qui empêcherait de faire la même chose pour les autres produits et éléments du corps humain, y compris les organes.
Signes d’attention et problèmes éthiques :
Nos propositions :
couples hypofertiles ou infertiles afin d'éviter la mainmise de certains gynécologues : naprotechnologies ou adoption.
Et moi, dans tout ça ?
Est-ce que je m’en préoccupe et me forme ? J’oscille entre espoirs et inquiétudes, étonnement devant les progrès prodigieux et les transgressions exponentielles, et pourtant, nous vivons dans ce temps présent et nous devons le vivre, y participer !
Site états généraux de la bioéthique à consulter, participer aux rencontres proposées, répondre aux questionnaires en ligne.
Que pense le pape du concubinage ?
ARTICLE | 04/07/2016 | Par Thibaud Collin/ Aleteia
"J'ai vu tellement de fidélité dans ces cohabitations, tant de fidélité. Je suis sûr que ce sont de vrais mariages..."
En la basilique du Latran, le pape François a tenu le 16 juin des propos qui ont soulevé en certains fidèles perplexité, questions voire indignation. Lors de l’ouverture du Congrès ecclésial du diocèse de Rome, en répondant à bâtons rompus à certaines questions de prêtres et de laïcs, le Saint-Père a affirmé que « la grande majorité de nos mariages sacramentels sont nuls parce qu’ils disent « oui » pour la vie mais ils ne savent pas ce qu’ils disent parce qu’ils ont une autre culture. Ils le disent, et ils ont de la bonne volonté, mais ils n’ont pas la connaissance du sacrement. « À un autre moment, témoignant de ce qu’il avait constaté chez beaucoup de concubins de la campagne argentine, il a dit : « Pourtant, je dis vraiment que j’ai vu tellement de fidélité dans ces cohabitations, tant de fidélité ; et je suis sûr que ce sont de vrais mariages, ils ont la grâce du mariage, justement pour la fidélité qu’ils ont. »
Ce qui a choqué et déstabilisé nombre de fidèles est la juxtaposition de ces deux propositions, extraites, rappelons-le, d’une prise de parole de plus d’une heure. Le pape François serait-il alors un « pompier pyromane », alimentant d’un côté un incendie qu’il cherche manifestement à éteindre de l’autre ?
Ne pas précipiter dans les liens du mariage des fidèles immatures et inconscients
En effet, le Pape a souvent manifesté son souhait que la préparation au mariage soit mieux organisée afin que les fiancés puissent s’engager de manière adéquate dans le sacrement de mariage. Le vice de consentement est probablement la cause de nullité la plus répandue aujourd’hui dans nos sociétés du provisoire et du jetable. Dans une ambiance culturelle hédoniste et sécularisée, de nombreux fidèles à la foi vacillante et peu formée sont ainsi dans l’ignorance de ce qu’est le mariage sacramentel. Dans la mesure où il est avéré qu’une telle ignorance a déterminé la volonté, le mariage peut être reconnu invalide (canon 1099). C’est pour desserrer l’étau d’un tel conditionnement que le Pape appelle de ses vœux un renouvellement et un approfondissement de la pastorale du mariage dont le maître mot est pour lui « l’accompagnement ». Dans cette perspective, il appelle à la patience et à la vigilance des pasteurs afin que ceux-ci ne précipitent pas dans les liens du mariage des fidèles immatures et inconscients mais au contraire les accompagnent dans la maturation de leur amour. De là, ses propos sur ces cas de concubinage vivant les valeurs de fidélité et de dévouement. Le problème porte sur la possibilité de saisir la cohérence de ces deux énoncés (sur la nullité et sur le concubinage) et de ce qu’ils impliquent. Et de là se pose la question de leur signification pratique, lorsqu’on les considère dans une perspective pastorale et éducative.
Le mariage chrétien, reflet de l’union entre le Christ et son Église
Pour tenter de répondre, il convient d’abord de revenir sur le présupposé gouvernant la pastorale de l’accompagnement et de l’intégration, largement développé dans Amoris laetitia : il s’agit d’une analogie dont il faut bien identifier les termes et la structure. « Le mariage chrétien, écrit le Pape, reflet de l’union entre le Christ et son Église, se réalise pleinement dans l’union entre un homme et une femme, qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclusif et dans une fidélité libre, s’appartiennent jusqu’à la mort et s’ouvrent à la transmission de la vie, consacrés par le sacrement qui leur confère la grâce pour constituer une Église domestique et le ferment d’une vie nouvelle pour la société. D’autres formes d’union contredisent radicalement cet idéal, mais certaines le réalisent au moins en partie et par analogie. Les Pères synodaux ont affirmé que l’Église ne cesse de valoriser les éléments constructifs dans ces situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage ». L’approche du Saint-Père est que le mariage chrétien est un idéal, au sens où son acception parfaite est le dessein de Dieu d’épouser l’humanité pour la sauver, l’Église étant ainsi unie à son Sauveur. Cet idéal qu’est l’union du Christ et de l’Église se réalise pleinement dans ce qui le signifie, à savoir le mariage comme union exclusive, indissoluble et ouverte à la vie entre l’homme et la femme et se réalise imparfaitement dans d’autres formes d’union, le concubinage et le mariage civil de personnes préalablement divorcées. En effet, dans ces « unions dites irrégulières » certains éléments de l’idéal sont présents mais non pas tous. L’exigence de l’accompagnement se fonde sur une telle analyse puisqu’il consiste à s’appuyer sur ces éléments positifs pour progressivement intégrer les autres. Ainsi cette approche crée un certain continuum entre des situations de vie qui sous d’autres rapports (canonique et moral) sont irréductibles et discontinues.
« Qui sommes-nous pour juger ? »
Le pape reçoit cette thèse de la Relatio synodi de 2015 dont le cardinal Schönborn nous apprend, lors d’un entretien à la Civiltà cattolica, qu’il l’a lui-même énoncée. Il la tenait lui-même du cardinal Kasper. Cette clé de lecture est d’origine ecclésiologique et gouverne l’œcuménisme depuis Vatican II. Le cardinal autrichien renvoie à la constitution conciliaire sur L’Église Lumen Gentium (§8): « Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique ». Cette approche, dit-il « exclut une ecclésiologie du tout ou du rien. »
Les éléments présents dans les autres Églises « sont des éléments de l’Église du Christ, et par leur nature, tendent vers l’unité catholique et l’unité du genre humain vers laquelle tend l’Église elle-même. ( …) Avec cette clé, on a justifié cette approche du concile de ne pas d’abord regarder ce qui manque dans les autres Églises, communautés chrétiennes, religions, mais de voir ce qu’il y a de positif. De discerner les semina Verbi, les éléments de vérité et de sanctification ».
Et le cardinal Schönborn conclut en tirant les conséquences pratiques de son analogie : « Ceux qui ont la grâce et la joie de pouvoir vivre un mariage sacramentel dans la foi, dans l’humilité, dans le pardon mutuel, dans la confiance en Dieu qui agit quotidiennement dans notre vie, savent regarder et discerner dans un couple, une union de fait, des concubins, des éléments de vrais héroïsmes, de vraies charités, de vrais dons mutuels. Même si nous devons dire : « ce n’est pas encore la pleine réalité du sacrement ». Mais qui sommes-nous pour juger et dire qu’il n’y a pas chez eux des éléments de vérité et de sanctification ? L’Église, c’est un peuple que Dieu s’attire et dans lequel tout le monde est appelé. Le rôle de l’Église, c’est d’accompagner chacun dans une croissance, une marche ».
La personne n’étant pas divisible, je ne peux me donner à moitié
Le présupposé de cette analogie est donc que le mariage est divisible en plusieurs éléments et qu’il existe des formes d’union qui participent d’autant plus à l’idéal du mariage qu’elles en possèdent des éléments. Dans la perspective ecclésiologique, le fondement d’une telle thèse est que les Églises et Communautés chrétiennes séparées ont gardé certains éléments de sanctification et de vérité de l’unique Église du Christ malgré leur séparation et leurs erreurs. Le principe du dialogue œcuménique est donc cette plénitude réellement donnée dans l’Église qui subsiste depuis l’origine dans l’Église catholique. Force est de constater que ceci n’est pas applicable tel quel au rapport entre concubinage et mariage puisque le concubinage ne naît pas d’une séparation du mariage ; et que le concubinage relève d’un choix libre et responsable alors que la situation des chrétiens séparés ne leur est plus imputée personnellement (un siècle après la séparation). Dès lors, que signifie l’importation du terme, éléments du champ ecclésiologique au champ matrimonial, importation qui donne à tort l’impression d’un possible chemin à parcourir, comme si le mariage pouvait être l’aboutissement/épanouissement du concubinage ? Quel sens le thème de la participation analogique peut-il avoir dans le cas des « unions irrégulières » ? Les tenants de cette thèse considèrent que l’analogie repose sur les degrés de sacramentalité, notion présente dans les deux champs. Mais peut-on ainsi passer subrepticement de la sacramentalité à la « matrimonialité » ? Bref, peut-on être plus ou moins marié ? Le mariage étant un acte de don de soi réciproque de l’homme et de la femme, il se noue dans le consentement exclusif et indissoluble qui a pour objet la personne de l’autre en tant que telle. Soit, je me donne, soit je ne me donne pas. La personne n’étant pas divisible, je ne peux me donner à moitié, par exemple sous conditions ou pour un certain temps. Dans ce cas, il n’y a pas de don. Est-ce à dire que l’on ne peut grandir dans l’amour et le don de soi ? Bien sûr que non ! Mais le temps n’offre l’occasion d’approfondir et de mûrir ce don de soi que dans la mesure où précisément il y a eu don. Cet acte libre contient en germe tout ce qui pourra, avec le temps, croître dans la vie conjugale. Cependant ce germe doit être là, sinon il n’y a pas au sens strict mariage. Tel est l’enjeu d’un procès de reconnaissance de nullité : répondre à l’indicatif à la question : « le mariage a-t-il eu lieu ? ».
On perçoit ici que l’on se situe dans un rapport à l’existence (de la personne et du choix qu’elle fait d’elle-même dans son autodétermination) qui comme telle n’a pas de degrés.
Le concubinage ne dispose pas au mariage mais au contraire le rend plus difficile
Fort de ces distinctions, revenons aux propos du Saint-Père. Peut-il faire l’éloge du concubinage pris au sens strict, à savoir comme une cohabitation non fondée sur un choix réciproque, libre, définitif et exclusif de l’homme et de la femme, mais sur un attachement simplement affectif et/ou sensuel ne respectant pas la valeur intrinsèque de la personne ? Si c’est ce qu’il voulait dire, il entrerait en contradiction non seulement avec la doctrine de l’Église mais aussi avec son propre enseignement.
En effet, il est clair qu’un tel attachement obscurcit la liberté nécessaire au véritable consentement et rend possible une future reconnaissance de nullité. C’est ce que l’on constate de plus en plus aujourd’hui ; l’augmentation de la vie commune prémaritale loin de rendre plus stable le mariage le fragilise. Il n’y a jamais eu autant de couples vivant ensemble avant le mariage et jamais autant de divorces. Il est manifeste que le concubinage n’est pas une préparation adéquate au mariage. Contrairement à ce que certains pensaient voilà quelques décennies, le fameux « mariage à l’essai » est le plus sûr moyen de rater son mariage. Le concubinage ne dispose pas au mariage mais au contraire le rend plus difficile. Quelle est la liberté intérieure (nécessaire à un don de soi véritable) de deux amants ayant ensemble un ou plusieurs enfants à charge et un crédit immobilier de 15 ans ?
Il est clair que de telles circonstances contribuent à peser sur la volonté et à influencer la raison pratique, d’ailleurs le pape le laisse entendre dans ce même discours lorsqu’il déconseille un mariage dont le déclencheur serait une naissance prochaine. Le mariage est en discontinuité avec le concubinage car il exige de se situer à un autre niveau, de se hisser à ce qui dans la personne lui permet de se donner, à savoir la volonté soutenue par la vertu de chasteté. Or la volonté n’est pas un degré supplémentaire de l’affectivité et de la sensualité, elle est d’une autre nature. Si de fait beaucoup de personnes demandant aujourd’hui à se marier sacramentellement vivent en concubinage, cela requiert de trouver les moyens pastoraux de susciter en elles une réelle discontinuité. Ainsi certains prêtres demandent-ils courageusement aux « fiancés » de choisir de vivre de manière chaste le temps de la préparation au mariage pour descendre en eux-mêmes vers cette source dont un réel don de soi pourra jaillir le jour des noces, source à laquelle ils puiseront de quoi affronter les aléas de leur vie conjugale et familiale.
Ce temps peut être vécu comme une épreuve, mais au sens de la traversée du désert où Dieu parle au cœur de la personne et la rend capable de passer une alliance. L’indissolubilité et l’exclusivité sont certes propriétés du seul lien amoureux adéquat à la valeur de la personne mais elles ne peuvent être vécues pleinement que si elles sont reçues comme des dons de Dieu.
L’Église a toujours favorisé la preuve du mariage plus que sa nullité
Ainsi lorsque le pape François parle de certains concubinages comme étant de « vrais mariages », il désigne probablement par là des cas particuliers où un véritable consentement aurait eu lieu, un réel don de soi réciproque serait vécu dans la fidélité sans que les conjoints se fussent engagés publiquement de manière explicite. Il retrouverait ainsi le principe ancien de la « canonisation » par laquelle l’Église a toujours favorisé la preuve du mariage plus que sa nullité, « couvrant de son manteau les unions qui pouvaient sembler juridiquement boiteuses aux puissances publiques ».
Cette vieille tradition du droit canonique a notamment engendré le concept de « mariage présumé », défini comme « un mariage contracté, non par échange explicite du consentement mutuel, mais par échange présumé de ce même consentement ; la présomption de droit est basée sur des probabilités qui excluent toute preuve du contraire ». Reste que le rattachement des propos du pape sur le concubinage à de tels présupposés canoniques semble entrer en tension avec sa propre réforme des procédures de reconnaissance de nullité.
Cette réforme a été, en effet, gouvernée par le souhait qu’en raison du conditionnement social et mental actuel (hédonisme, relativisme) la présomption ne profite plus spontanément au mariage ; souhait en cohérence avec l’autre partie des propos de saint Jean de Latran, celle sur la nullité de la grande majorité des mariages.
La difficulté de traduire de tels propos dans une perspective éducative
On peut conclure que ces deux énoncés ne sont pas contradictoires à la condition de saisir leur enracinement dans des circonstances sociales et historiques singulières. Cependant leur juxtaposition dans un discours pontifical (de teneur potentiellement universelle) n’apparaît pas comme immédiatement cohérente. Le trouble qu’ils ont suscité chez certains tient à la difficulté de traduire de tels propos dans une perspective éducative.
Qu’est-ce qu’un jeune chrétien peut-il penser lorsqu’il lit que le pape considère que le concubinage peut être « un vrai mariage » et que beaucoup de mariages n’en sont pas ? Quelles sont les médiations nécessaires pour qu’un parent restitue la subtilité des propos pontificaux de sorte que son enfant ne les perçoive pas comme un encouragement à cohabiter avant le mariage, en se disant en toute bonne conscience qu’ainsi son mariage sera plus solide ?
Il serait dommage que par une mauvaise réception des propos du pape ceux-ci contribuassent à obscurcir la conscience des jeunes et renforçassent ainsi le conditionnement mental et social influençant une possible cause de nullité. Et comme il n’est pas en notre pouvoir de demander au pape d’être plus clair dans ses discours, travaillons avec ardeur, pasteurs, parents et éducateurs, pour que la lumière qui s’y trouve rayonne sur tous ceux qui nous sont confiés.
Thibaud Collin/ Aleteia
Cet article a été publié initialement sur Aleteia, à découvrir ici
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