“La PMA pour tous est-elle inéluctable ?“[1]
Intervenante : Mme Aude Mirkovic, maître de conférences en Droit privé à l'Université d'Evry
Nous sommes actuellement dans le cadre des débats de bioéthique. Notons que chaque citoyen est invité à s’exprimer en se rendant sur les sites dédiés, sachant que ça vaut le coup, rien n’est écrit d’avance !
Qu’est-ce que la PMA (que certains appellent aussi AMP) ?
C’est l’ensemble des techniques qui visent à la conception d’un enfant en-dehors de la façon naturelle. Il peut s’agir d’une insémination artificielle avec les spermatozoïdes du conjoint ou d’un autre homme, donneur de gamètes, ou d’une FIV par la conception d’un embryon in vitro et réimplanté.
Il peut y avoir deux raisons principales d’avoir recours à la FIV :
- Éliminer les embryons porteurs d’une maladie génétique grave,
- Une incapacité pathologique à procréer.
Selon l’article L.152-2 du code de la santé publique, toutes les techniques de PMA sont réservées actuellement à des couples : « un homme et une femme vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans … » Il précise sans ambiguïté qu’il s’agit de « remédier à l'infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué. Elle peut aussi avoir pour objet d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité ».
Les demandes sociétales d’accès à la PMA reposent sur la possibilité d’utilisation de ces techniques à d’autres fins que celle du traitement de l’infertilité liée à une pathologie.
En matière de PMA, plusieurs demandes réclament des réponses : deux sont particulièrement en phase avec l’actualité :
- l’accès aux techniques de PMA pour toutes les femmes (célibataires et en couples de même sexe) sans problèmes de stérilité,
- le recours à la préservation de la fertilité par vitrification des ovocytes à -196 °C dans l’azote liquide ou par cryoconservation.
Envisageons la PMA du côté de l’enfant !
Il s’agit de viser à la conception d’enfants sans père. Nous connaissons les difficultés et les souffrances de ces enfants qui, par les malheurs de la vie, se trouvent dans cette situation douloureuse. Ce serait créer une situation bien différente de celle de l’adoption, qui est une institution au service des enfants privés de leurs parents d’origine. L’adoption essaie de réparer ce préjudice subit.
On cherche à diminuer les impacts négatifs de la PMA en écartant le père biologique, donneur de gamètes, par la loi sur l’anonymat du don. Cependant, les avancées de la recherche scientifique ont permis dernièrement, à des enfants nés de PMA, de rechercher et de trouver leur père biologique, c’est-à-dire leur origine génétique.
La PMA méconnaît les droits de l’enfant, précisément, le droit de l’enfant à connaître ses origines.
La généralisation de la PMA provoquerait un basculement de la société :
- par des coûts aggravés pour la sécurité sociale,
- par une aggravation de la pénurie actuelle de gamètes, qui pourrait inciter à rémunérer les donneurs pour y pallier.
- par une augmentation du risque de consanguinité entre enfants nés de PMA, même si, actuellement, ces risques sont encore assez faibles.
- par la levée du critère thérapeutique pour initier des “PMA de convenance“.
- par le choix qui pourrait être fait par des couples H/F fertiles, d’effectuer un tri embryonnaire pour décider de tel ou tel caractère de l’enfant désiré, ou le choix du sexe ; notion de “l’enfant parfait“.
De plus, il faut bien comprendre que la PMA est un marché commercial extrêmement lucratif ; on pratique assez facilement des “PMA compassionnelles“.
Aude Mirkovic a conclu cette très intéressante conférence par cette question : quel monde voulons-nous ? Faut-il que notre société organise délibérément la naissance d’enfants sans père ?
[1] Conférence organisée par les AFC du Bas-Dauphiné le mercredi 28 février 2018.
A lire :
En Rouge et Noir
Carole Pastorel, jeune avocate, souhaite porter plainte contre des sociétés américaines qui démarchent en France les clients potentiels en vue de réaliser des gestations pour autrui aux États-Unis. Elle sollicite l'aide de Jane Fontenoy, maître de conférences en droit privé, rencontrée à un colloque. Les deux deviennent rapidement amies et affrontent ensemble l'enquête sur les activités des sociétés américaines, les méandres de la procédure et la réticence du parquet à poursuivre des faits pourtant avérés.Elles découvrent encore l'hostilité de leurs mondes professionnels et une notoriété soudaine qui les propulse sur le devant de la scène où elles doivent affronter les débats d'idées dans des contextes souvent hostiles.Elles puisent dans leur amitié et la certitude d'agir pour un enjeu qui les dépasse l'humour et la détermination nécessaires pour aller jusqu'au bout. Un roman sympathique, des personnages attachants, une intrigue bien ficelée : un livre qui séduira un large public désireux de se divertir sans perdre son temps ni sa bonne humeur. L'auteur :Aude Mirkovic est Maître de conférences en droit privé, spécialiste de Droit de la Famille.Régulièrement auditionnée par les commissions parlementaires sur la Famille, elle est l'auteur de Mariage des personnes de même sexe et PMA-GPA : quel respect pour les droits de l'enfant ? (Téqui, 2016) vendus l'un et l'autre à plus de 3 000 exemplaires.